Jour de la catastrophe +2 : Phuket

Avertissement

Ce qui est transcrit ci-dessous est notre vécu subjectif. Profondément touchés par cette catastrophe, nous exprimons notre compassion à tous ceux qui l’ont vécu de près ou de loin. Les faits vont bien au-delà des écrits. Nous nous excusons d’avance pour ceux qui seraient choqués d’une interprétation fausse de ce qui est écrit ci-dessous ou des photos publiées qui ont toutes été prises par nous. Nous pansons toujours nos plaies. Dans la rue, alors que nous cherchions un endroit pour prendre notre petit déjeuner, une femme de type européenne maigre et musclée m’a interpellé en me demandant si j’étais suédois. J’ai eu un peu peur et j’ai répondu froidement par la négative. Puis elle a continué son chemin. Monica m’a alors dit qu’elle avait l’air hyper mal et que j’aurais du lui demander si elle avait besoin de quelque chose. Sur ces paroles, nous avons décidé de la rattraper et de lui demander si elle avait besoin d’aide. Elle avait en effet de quoi être mal. Elle s’était mariée le 25.12 sur la plage de Patong. Elle a perdu son mari, sa mère et son fils de deux ans. Elle nous raconta avec ses tripes, les larmes aux yeux comment elle n’a pu garder son fils dans les bras lorsque la vague l’a happée. Prenant, saisissant, insupportable. Elle était perdue, elle ne savait pas que faire. Les personnes de l’agence avec laquelle elle était venue en vacances, étaient rentrées le jour même pour la Suède car blessées. Elle avait son vol de retour prévu pour le lendemain. Il lui restait son père en Suède. Mais que faire ? Rentrer, rester, chercher ses disparus sans savoir s’ils ont été secourus. Et là encore, personne pour l’encadrer, pour l’aider, pour l’écouter, pour la conseiller. Nous lui avons suggéré de rentrer chez elle en Suède sachant qu’ici, elle ne pouvait plus faire grand-chose et était seule.

Des histoires bouleversantes comme celle de cette femme, nous en avons trop entendu. Trop pour que nous restions ici à ne rien faire . Alors nous avons décidé de retourner au centre de secours pour voir l’évolution de la situation. Là les panneaux de personnes disparues s’agrandissaient, les piles de nourriture, boissons et vêtements s’amoncelaient, les camions de télévision débarquaient gentiment (cf. photo). Nous sommes retournés à l’ambassade de Suisse pour savoir s’il y avait des nouvelles des deux suisses romands que l’on recherchait et du suisse qui avait perdu sa copine. A notre surprise, ils nous répondirent que le jeune homme de la veille avait disparu. Ils nous ont dit « il est parti » l’air nonchalants. Ils ne savaient ni où il logeait, ni ce qu’il avait planifié de faire. Ahurissant. Ca semble basic que l’on ne laisse pas sans soutien et suivi une personne ayant vécu une telle tragédie et ayant de surcroît perdu un proche. Bref, nous leur avons laissé les coordonnées de notre hôtel au cas où quelqu’un aurait besoin de soutien. Ils ne nous ont jamais appelé. A croire que personne n’a souffert psychologiquement de cette catastrophe à part nous. En discutant avec les autres ressortissants qui se trouvaient au centre, il semblerait que les autres ambassades ne se sont guères portées de meilleures façons.

Puis à l’endroit où se trouvaient les ordinateurs, nous avons rencontré un français qui venait de mettre en ligne une base de donnée interactive ouverte pour recenser les disparus. Devant la gabegie des autorités pour recenser les blessés et les personnes disparues, des privés dont Michel ont mis en place cette base de donnée accessible par tous sur le web. Il nous a dit qu’il y avait un grand besoin de recenser les personnes disparues de manière organisée et unique. C’est la raison pour laquelle ils ont monté cette base. Lorsqu’il nous décrivait ses rencontres avec les rescapés, ses yeux ne pouvaient s’empêcher de se remplir de larmes, sa voix était tremblante et l’émotion qu’il dégageait nous donnait la chair de poule. Il nous a demandé si nous étions prêts à aller dans les hôpitaux pour aider les gens qui avaient perdu des proches et de les entrer dans cette base. Nous lui avons répondu que oui et avons commencé à entrer les noms des gens que nous avions déjà récoltés.